Le premier Européen à poser les yeux sur l’Amérique du Nord le fit par hasard, vers l’an 985. L’implantation viking à Terre-Neuve se heurta à deux cultures indigènes et ne laissa guère de traces, excepté une énorme querelle historique et le vague souvenir d’un exploit.

Ils ont navigué deux jours avant de revoir la terre.

Ils ont demandé à Bjarni s’il croyait que c’était le Groenland.

Il a dit que, selon lui, cette terre n’était pas plus le Groenland que la précédente, « puisqu’il est censé y avoir des glaciers énormes au Groenland. »


Saga des groenlandais

La découverte de Bjarni Herjolfsson

Les ancêtres de Bjarni Herjolfsson avaient colonisé l’Islande au siècle précédent. Après un hiver en Norvège, il retourna en Islande pendant l’été 986, cales pleines, dans l’intention de retrouver son père. Ce dernier avait mis le cap à l’ouest pour accompagner Erik le Rouge dans son expédition vers le Groenland.

Après trois jours de navigation, les vents poussèrent le norrois et ses 35 hommes d’équipage vers le sud où ils plongèrent dans une épaisse nappe de brouillard. Le temps se leva au bout de quelques jours, révélant une terre de petites collines boisées. Ce n’était pas du tout le Groenland. Les arbres prouvaient que Bjarni était bien plus au sud, et comme il n’y a pas d’île au sud du Groenland, bien plus à l’ouest.

Le Norrois longea la côte vers le nord pendant deux jours, puis vira à l’est. Il arrivait quatre jours plus tard sain et sauf à la pointe du sud du Groenland.

Deux sagas islandaises, la Saga d’Erik le Rouge et la Saga des Groenlandais, datant probablement des années 1230-1270 et conservées dans des manuscrits du XIVe siècle, évoquent les voyages que les anciens scandinaves ont entrepris vers l’Amérique du Nord. Pendant longtemps les chercheurs n’ont pas su s’ils pouvaient ajouter foi à ces “Sagas du Vínland”, jusqu’au jour où le couple norvégien, Helge et Anne Stine Ingstad, découvre, dans les années 1960, les vestiges d’un établissement scandinave à l’Anse-aux Meadows à la pointe de Terre-Neuve.

Dans les “Sagas du Vinland”, les interactions entre colons scandinaves et autochtones connaissent toujours une issue sanglante. Cependant les deux peuples parviennent par moment à établir des relations pacifiques, fondées sur le troc:

“Mais quand vint le printemps, ils virent, un matin de bonne heure, une quantité de kayaks venant doubler le cap, il y en avait tant que l’on aurait cru la baie parsemée de morceaux de charbon. Dans chaque bateau on agitait un bout de bois aussi. Karlsefni et les siens brandirent alors leurs boucliers, et quand ils se rencontrèrent, ils se mirent à faire du troc entre eux, ces gens voulant surtout avoir de l’étoffe rouge. Ils avaient à donner en échange des peaux et de la fourrure toute grise. Ils voulaient acheter des épées et des lances, mais Karlsefni et Snorri l’interdirent.”


Les Inuits offrirent donc des peaux, les Vikings de la viande, du tissu et du lait. Mais les Vikings refusèrent de céder leurs armes et tuèrent un indigène. Lors du retour en force des skraelings, deux Vikings et quatre skraelings furent tués.


Grâce à leurs réserves en nourriture et en bras, il était évident que les Inuits auraient vite le dessus. Après quelques années, probablement en 1020, Karlsefni décida de se retirer.

Le voyage de Leif l’Heureux

Pendant quatorze ans, les Groenlandais n’exploitèrent pas la découverte de Bjarni. Mais cette promesse de nouveaux pâturages et de forêts (ils manquaient de bois) finit par les tenter. C’est le fils d’Erik le Rouge, Leif l’Heureux, qui entreprit la traversée.

Bibliographie


  1. -Sagas islandaises, trad. par Régis Boyer, Editions Gallimard, 1987.

  2. -The Sagas of Icelanders: A Selection, Jane Smiley, Robert Kellogg, The Penguin Group, 2000.

  3. -Birgitta Linderoth Wallace (ed.) Westward Vikings - The Saga of L'Anse aux Meadows, St John’s, Newfoundland: Historic Sites Association of Newfoundland and Labrador in association with Parks Canada, 2006.


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Sur le net


  1. -Documentation très complète rassemblée par un groupe de chercheurs et d’archéologues:

http://www.canadianmysteries.ca/sites/vinland/home/indexfr.html


Dans le texte


  1. -L’intégralité du texte original de La Saga des Groenlandais (norrois): en ligne ou à télécharger.

Un vague souvenir

Non loin de l’Anse aux Meadows

Photo: CC Near l’Anse aux Meadows/mackinaw

L’Anse aux Meadows à marée haute.

Photo: CC Near High Tide at L’Anse aux Meadows/mdmarkus66

Une installation précaire

Les “Sagas du Vinland” mentionnent que les Vikings sont entrés en contact avec des peuplades autochtones appelées Skraelingar en ancien irlandais, ce qui signifierait “les rachitiques” ou “les maigrichons”. Les Scandinaves ont probablement rencontré à Terre-Neuve des Indiens Beothuks, aujourd’hui éteints, ou des Mi’kmaq, dont les territoires s’étendaient de l’Etat du Maine actuel à la côte est du Nouveau-Brunswick, ainsi qu’en Nouvelle-Écosse et sur l’île du Prince-Édouard.

Maquette de la principale habitation viking de L’Anse aux Meadows.

Détails du diorama présenté dans le musée de L’Anse aux Meadows.

Quelques autres habitations encadrent le chantier de réparation des bateaux. Ici le bois ne manque pas.

Un «Viking», devant l’évocation du principal bâtiment du village.

CC Rosino

À l’intérieur.

CC Gribley

Entrée du village. La mince barrière en branches tressées servait plus d’enclos pour le bétail que de rempart contre les attaques.

CC Anse aux Meadows/Tania Ho

Porte d’entrée d’une habitation. On remarquera la façon dont le revêtement en terre herbue épouse parfaitement les formes de la structure en bois.

CC Gribley

Reconstitution d’un métier à tisser. Ce type d’artisanat fut probablement très utile au troc avec les Inuits.

CC Norstead/rhtraveler

L’expédition de Leif

Extrait de la Saga des Groenlandais


«Leif, le fils d’Eirik le Rouge de Brattahlid, est allé voir Bjarni et lui a acheté son bateau. Il a embauché un équipage de trente-cinq hommes. Leif a demandé à son père Eirik de diriger l’expédition.

Eirik hésitait à accepter, disant qu’il vieillissait et qu’il supportait moins le froid et la pluie. Leif lui dit que c’était encore lui à qui la chance souriait le plus parmi tous les membres de la famille. Eirik a finalement cédé et, alors qu’ils étaient presque prêts à partir, il est monté sur son cheval et a quitté la ferme. Alors qu’il était presque arrivé au bateau, son cheval a trébuché, Eirik a été désarçonné et s’est fait mal à un pied. Alors Eirik a dit : « Il ne m’appartient plus d’aller à la recherche d’une autre terre que celle où je vis présentement. Nous ne voyagerons plus ensemble. »

Eirik est retourné chez lui à Brattahlid et Leif est monté à bord de son bateau avec ses compagnons, trente-cinq hommes en tout. Un d’entre eux était Tyrkir, qui venait d’un pays plus au sud [il s’agit de l'Allemagne]».

Keneva Kunz, The Sagas of Icelanders: A Selection

L’expédition de Karlsefni et de Gudrid

Extrait de la Saga des Groenlandais


«Les discussions au sujet d’un voyage au Vinland ont repris et les gens, dont Gudrid, ont fortement encouragé Karlsefni à entreprendre ce voyage. Lorsque la décision de faire le périple a été prise, il a embauché un équipage de soixante hommes et cinq femmes.

Karlsefni et son équipage se sont entendus pour diviser en parts égales tous les profits de l’expédition. Ils ont amené différents types de bétail, car ils avaient l’intention de coloniser le pays s’ils le pouvaient.»

Keneva Kunz, The Sagas of Icelanders: A Selection

Quel climat faisait-il à L’Anse aux Meadows ?


«Le climat moderne à L'Anse aux Meadows diffère de celui qui prévalait au onzième siècle. […] Une donnée importante à savoir est que même une fluctuation d’à peine 1° Celsius peut avoir un effet majeur sur les conditions locales. Au cours des dernières décennies du vingtième siècle, L'Anse aux Meadows était généralement enneigé de décembre à la mi-mai et il y avait environ 1 m de neige au sol même si cette accumulation était très inégale à cause des vents violents qui créaient des congères à certains endroits et en laissaient d’autres à découvert. En 1998, la température moyenne hivernale se situait à 2°C au-dessus de ce qui est considéré comme étant « normal »; il n’y a pas eu de neige sur le site et le mois de mai 1998 a été aussi chaud qu’un mois de juillet « normal ». Cette température était celle qui prévalait tout au long de l’année en l’an 1000 de notre ère. Il est donc fort probable que la plupart des hivers du début du onzième siècle ont été sans neige. En étudiant les échantillons pris dans la tourbière, nous pouvons affirmer que le site n’a pas connu de pergélisol avant l’an 1500 de notre ère, ce qui est un autre indicateur d’un climat plus tempéré.»

Birgitta Linderoth Wallace, "Le climat de L’Anse aux Meadows dans « The Settlement » (La colonie)" in Westward Vikings: The Saga of L’Anse aux Meadows, HSANL, 2006, page 37.

Les indiens

L’Anse aux Meadows se situe à la pointe septentrionale de l'île de Terre-Neuve

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